UASG ATHLETISME

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CR SainteLyon le 04/12/2010 par Juju

Soucieu, c’est là que la course commence. Soucieu, point kilométrique 45, il est

5 heures du matin, j’y suis, la course va débuter. Retour arrière …

 

…Voiture 6 en haut, j’aperçois Eric et Alexandre. C’est sérieux, les sacs à dos sont bien remplis, différents types de vêtements, des ravitaillements, un matelas de couchage, des traitements pour les ampoules, ... On sent que l’affaire est mûrement réfléchie, préparée depuis des semaines. Les choix horaires, tactiques et vestimentaires ont été discutés, soupesés, débattus auprès des cadors de la discipline. Le voyage doit être consacré au repos. L’objectif se dissout rapidement à l’arrivée d’un groupe de touriste fort en décibel et pris de passion pour les pop-corn à l’ail (spécialité philippine apparemment – je laisse imaginer l’ail combiné aux jours de pâtes à volonté !) Le train circule avec du retard ; le contrôleur va voir s’il peut faire quelque chose pour la correspondance étant donné que nous sommes nombreux

pour la Saintelyon.

 

Le contrôleur ; bien sûr il connaît la Saintelyon, d’ailleurs elle passe près de chez lui, il a beaucoup neigé mais il nous rassure les routes sont dégagées ; mais monsieur on court dans les chemins ; « ah bon vous courrez dans l’bois, ahh c’est autre chose … » son visage exprime à la fois l’étonnement, l’inquiétude, le « ils me prennent pour un jambon mais je vais continuer à être sérieux. » Je ne sais pas si le contrôleur fait parti de l’organisation mais nous voilà dans l’ambiance.

 

Changement de train : le décor est planté ; les coureurs affluent. Chacun partage ses conseils, recettes, avis tranchés, expériences, angoisses un peu aussi. Les accents se teintent, la neige commence à s’accumuler par les fenêtres. A la descente, le froid me saisit, les trottoirs sont gelés.

 

La Saintelyon fait partie des classiques de la course à pied. Elle relie depuis les années 70 Saint Etienne à Lyon en décembre avec un départ à minuit : 68 kilomètres entre routes et chemin d’un profil globalement descendant mais de sérieuses montées sont disséminées toute au long du parcours. Plus de 10000 participants au travers de plusieurs formules. Et cette année la classique a mis ses habits de mythe : des froids polaires sont annoncés et se combineront à la neige tombée en abondance durant la semaine ; les prévisions se révèleront exactes.

 

Retrait des dossards, repas de pâtes et nous voilà allongés tout confort dans le hall. Le temps est venu de se soucier du reste du groupe : Stéphanie est arrivée, je retrouve mon paternel (22ème participation s’il vous plait), je croise un copain (nous ferons le début de course ensemble). Greg et Laurent sont sérieusement en retard (ils arriveront sur la ligne une minute trente avant le départ) Nous verrons tous les lumières du petit matin lyonnais ; nous porterons tous fièrement notre maillot de finisher.

 

Les coureurs commencent à se rassembler derrière l’arche de départ. L’ambiance est bonne, malgré les blocs de glaces qui descendent des arbres de l’allée, le froid ne se fait pas trop sentir. Coup de feu, c’est parti.

 

Les premiers kilomètres sont urbains, proches de ce que l’on peut rencontrer sur un 10 kilomètres classique ; d’ailleurs ça part très fort, il ne faut pas se griser car la course ne commence qu’à Soucieu ! En passant, nous voyons un écran indiquant -7°, je sais qu’en haut il fera plus froid et le ve nt des crêtes s’invitera. Sorbiers annonce la première côte, sur bitume. La neige est sur les bas-côtés mais rien de méchant : nous aurait-on menti ? Un virage à gauche et on entre dans la nuit les loupiotes s’allument. Au bout de la côte la route se transforme en chemin de terre pendant 200 mètres … puis en chemin de neige pendant 40 kilomètres. A partir de là, littéralement, nos appuis ne seront plus sûrs jusqu’à l’arrivée.

 

D’abord de la neige, tous types de neige : fine, en ornière, tassée, comprimée jusqu’à être compacte, de la neige qui enfonce, de la neige qui tape les genoux, de la neige glissante dans laquelle les pieds se dérobent, de la neige gelée, de la neige craquante, de la neige mouillée ou boueuse et je finirai par la plus belle de la neige poudreuse. Une sensation exceptionnelle comme un matin de sport d’hiver où l’on découvre un épais manteau au réveil. Oui, c’est sur les premières hauteurs que la neige sera la meilleure. Le pied flotte, il n’y pas d’impact, tout est amorti, le pas démarre par la pointe du pied. En descente, après s’être habitué, on se laisse aspirer par la neige fraîche. L’assurance vient et l’appréhension de la chute disparaît. Certains parlent de 60 centimètres de neige. Quelques passages se font en file indienne sur une seule trace : toute tentative de dépassement est vaine sous peine de s’enfoncer.

Puis après la neige, en approchant de Lyon, quand enfin nous retrouvons le bitume, celui ci sera recouvert d’une fine pellicule d’eau complètement vitrifiée par le froid. A la longue d’ailleurs, le coureur apprendra à poser son pied en fonction du reflet du sol au contact du faisceau de la lampe frontale. Le premier ravitaillement arrive alors à Saint Christo. Chaque année, ce village me surprend : il y a peut être 200 habitants, il est 2 heures, il fait moins de -10°, et ils sont peut être 500 ou plus à encourager les coureurs. J’ai envie de courir pour les remercier mais je me ravitaille sagement en marchant dans la montée. Il faut louer l’esprit des spectateurs et des bénévoles qui d’un bout à l’autre de la nuit encouragerons tous les coureurs ; chaque croisement est le lieu de bravo, de panneaux pour parent ou ami. Certains ont allumés un grand feu de bois et des flambeaux. Entendre ces personnes (enfants parfois) au milieu de cette nuit hivernale, au milieu de nulle part, imaginer les efforts consentis (les chaînes ont certainement dû être nécessaires pour les voitures) pour nous taper la main, pour ce simple « Allez courage ».

 

Dans la Saintelyon, comme chaque coureur est éclairé, on devine le chemin qui nous reste à accomplir. En l’occurrence à partir de Moreau, la file lumineuse prend une tendance verticale annonciatrice de sévères côtes. A l’approche de Saint Genoux, on se retrouve au bas de la vallée et on aperçoit les lumières bien au dessus de nous. C’est très dur car on sait qu’il faudra s’y rendre. Avant Saint Genoux, on voit les loupiotes se diriger vers Sainte Catherine. Sainte Catherine, mi parcours et gros ravitaillement ; Sainte Catherine, une bénévole me prépare un café tiède sucrée ; un de mes meilleurs cafés. Le bois d’Arfeuil est connu pour sa raideur. La neige est tassée et les premières chutes apparaissent. Je verrai trois fois les secours sur le parcours. Les premières lumières de Lyon apparaissent ; la vue est superbe depuis les hauteurs. C’est étrange de penser à cette ville endormie avec quelques fous en collant moulant qui la regarde de haut. Une remontée puis c’est la longue descente sur Soucieu.

 

Soucieu, c’est là que la course commence. Soucieu, point kilométrique 45, il est 5 heures du matin, j’y suis, la course va débuter…

 

… La course débute donc ; un peu de marches, quelques étirements, puis on quitte le village pour plonger dans un vallon dans lequel coule le Garon ; un pont enjambe la rivière. Et je sais que … …c’est déjà fini, les jambes sont dures, l’estomac est en vrac. Il va falloir serrer les dents pour terminer mais je suis convaincu que j’y arriverai. Le chrono ne sera pas au rendez-vous (était-ce une année à chrono ?) mais je mets un point d’honneur à m’accrocher, à courir, à garder un rythme décent, à garder une place dans les pelotons que je suis. Et les kilomètres défilent et le moral revient. C’est une sensation particulière que celle des grandes distances : le temps n’a plus d’importance, seul l’avancement compte. Chaque difficulté qui pointe à l’horizon nous effraie certes mais est également vécue comme une bonne nouvelle car elle annonce aussi que la ligne s’approche. Une grosse chute sur une plaque de verglas et c’est la fameuse et terrible côte de Sainte Foy ; c’est la dernière, une fois franchie, l’arrivée est à portée de lampe frontale. L’ultime difficulté est un fort vent de face sur les quais de Saône puis du Rhône, le jour se lève et l’arrivée est là.

 

Au delà des temps et des classements, on apprend des éléments. Je referai certainement un jour la SainteLyon mais des conditions exceptionnelles comme cette édition 2010, je sais que nous ne le reverrons plus ; la légende annoncée a bien eu lieu ; je l’ai touché des doigts, effleurés des pieds et c’est bien là une très grande satisfaction.

Julien



06/12/2010
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